Le 16 octobre 2023
Par Pierre Appremont, avocat associé
Le Gouvernement vient de déposer un amendement au projet de loi de finances pour 2024 visant à clarifier la situation après l’avis du Conseil d’Etat du 5 juillet dernier remettant en cause le régime TVA de la para-hôtellerie.
Rappel : par cet avis le Conseil d’Etat enjoignait le Gouvernement de modifier le dispositif législatif ayant introduit en droit interne la réglementation européenne car celle-ci vise à soumettre à la TVA les activités en concurrence avec le secteur hôtelier, objectif que n’atteint pas ou plus la loi française (principalement avec la condition des 3 des 4 services : accueil, petit-déjeuner, nettoyage et linge).
1/. Par cet amendement, le Gouvernement s’appuie sur une possibilité connexe offerte par la Directive européenne et scinde le dispositif en deux :
2/. Si le procédé est habile, il n’est pas certain qu’il réponde parfaitement à la demande du Conseil d’Etat, qui notamment soulevait le fait que des prestations d’hébergement en concurrence avec l’hôtellerie pouvaient ne comporter que 2 des 4 services (Airbnb et assimilé étant clairement visés) ; or l’amendement, en maintenant l’exigence de 3 services sur 4 a minima, ne les intègre pas dans le champ de la TVA.
3/. Autre point prospectif : Le maintien de la référence à la réalisation de prestations de services pour déterminer si une activité est de type hôtelière ou non pourrait ne pas être en ligne avec le projet de directive européenne relative aux règles TVA adaptées à l’ère numérique. En effet, ce projet prévoit de considérer que, pour l’application de l’article 135 de la directive européenne TVA (qui exclut de l’exonération de TVA, les prestations hôtelières et assimilées, dont la mise en œuvre est l’objet du présent amendement) : « La location ininterrompue d’un logement pour une durée maximale de 45 jours, accompagnée ou non d’autres services accessoires, est considérée comme ayant une fonction analogue à celle du secteur hôtelier.».
A ce stade, ce n’est qu’un projet mais il pourrait être nécessaire de revenir sur la référence à des prestations accessoires (3 services sur 4) ; ce projet de directive ratissant plus large que l’amendement en termes d’activité hôtelière puisque pouvant inclure les hébergements sans prestations (et la référence à la durée n’est pas la même que celle proposée par l’amendement).
4/. Le taux de 10% et son application aux baux entre le propriétaire et l’exploitant sont aussi sécurisés.
5/. En l’état, cet amendement semble donc répondre à la demande du Conseil d’Etat en limitant l’assimilation aux activités en concurrence avec l’hôtellerie via le critère des 30 nuitées maximum tout en sécurisant l’application de la TVA aux résidences séniors, étudiantes et autres via le recours à la possibilité que lui offre la Directive de soumettre à la TVA certaines activités résidentielles.
A suivre, le diable se nichant dans les détails mais plutôt une bonne nouvelle !
Ceci étant, ce projet met en évidence une évolution au regard de la TVA qui semble se dessiner pour d’autres dispositifs, à savoir que la « para-hôtellerie » de longue durée ne serait pas assimilable à de l’hôtellerie (activité commerciale) mais plutôt à une activité de location réalisée selon des modalités spécifiques (pouvant entraîner l’assujettissement au régime BIC des loyers et à la TVA) mais ne conférant pas à l’activité elle-même la nature d’activité commerciale (sur ce sujet, l’arrêt récent du Conseil d’Etat Bagest notamment) ; d’où des interrogations renforcées quant à l’éligibilité au Dutreil, au 150 O B ter ou à l’exonération d’IFI… sur ce sujet, faire la distinction entre gestion d’un patrimoine et activité commerciale (à laquelle les immeubles seraient affectés) devient un art quasi divinatoire !
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